Anecdotes et petites histoires
Vous avez dit seul ?
Journée layonnage au triangle (entretien et balisage des chemins). Le planning et mon envie aidant, je pars seul, tranquille, avec ma machette, mon sécateur, mon rouleau de banderole, mon marqueur et bien sûr un GPS.
J'ai dit que je pars seul ? Bon presque seul alors. Un éléphant vient me saluer pendant la descente vers le layon et me regarde passer, compatissant sachant ce qui m'attend. Et hop on démarre ! Bon vive la boue, les passages fermes et les arbres tombés, mais je tiens bon, seul je descends vers le sud et rouvre un superbe layon au sol troué.
J'ai dit que je descends seul ? Bon presque seul alors. Les chimpanzés sauvages m'encouragent et je peux les entendre vocaliser et taper. Aller, on reste calme, on savoure les encouragements et on poursuit la descente. J'arrive au niveau du canal et je souris en voyant les vieilles banderoles en face, là où on ne passe plus parce qu'il n'y a plus de pont, et que nous n'avons pas retirées car elles sont sur une île. Me voici en forêt primaire, la zone est dégagée, calme. On se sent seul dans l'immensité de la forêt.
J'ai dit que je me sens seul ? Bon presque seul alors. Les chimpanzés sauvages me félicitent d'être parvenu jusque là à grand renfort de cris. Et zouh c'est parti pour refaire le chemin dans l'autre sens. Bon on essaie de se souvenir des virages, des zones où on s'enfonce, des croisements avec les autres layons. Je m'en sors et trace seul le layon.
J'ai dit que je trace seul ? Bon presque seul alors. Un éléphant et un gorille sont venus vérifier que je faisais bien mon travail et que je ne déviais pas de ma route. Une fois leur vérification accomplie, ils m'ont laissé et sont repartis se perdre dans la forêt. Je continue ma route, finis enfin le layonnage et je suis fier de moi, je savoure seul ce moment.
J'ai dit que je savourais seul ? Bon presque seul alors. Un groupe de cercopithèques est là et m'acclame de tout le travail accompli. Je les salue et rentre au camp pour me poser un peu après ce dur labeur. Je rentre dans le bureau et je m'assieds sur une chaise. Je profite seul du calme et de la paix qui règne dans le camp.
J'ai dit que je profitais seul ? Bon presque seul alors. Il se trouve qu'il y a une espagnole* qui, elle aussi, me félicite de ce que j'ai fais et qui me raconte sa matinée à elle. Elle parle fort, pas toujours de manière compréhensible, mais c'est agréable d'avoir un peu de compagnie pour partager ce que l'on vit.
Très franchement, ici en forêt on n'est jamais seul mais toujours bien accompagné. Quelle sacrée journée !
Marc Sylvestre.
* L'espagnole est une étudiante espagnole venue au triangle pour faire une étude sur le comportement social des chimpanzés entre eux.
Cuisson du pain sans four
Pas de boulangerie au sanctuaire comme au triangle, on fait son pain soi-même, à moins que l'on ne se mette au régime "foufou" des congolais (pâte faite avec de la farine de manioc), mais personnellement...
Donc 2 mesures d'eau, un peu de sel, 5 mesures de farine, de la levure de boulanger en poudre, pétrissage plus ou moins long suivant le temps que nous laissent les chimpanzés et le travail, on fait lever (là on gagne du temps avec 30 degrés en moyenne à l'ombre !), puis cuisson : et là, problème, il n'y a pas de four au triangle. Il y en a un au sanctuaire, mais visiblement les bénévoles trouvent que c'est plus rapide d'utiliser le feu de bois de la cuisine des travailleurs que de chauffer le four à pain...
Donc, pour la cuisson sur feu de bois :
Se munir d'une grande cocotte en fonte, remplir le fond de la cocotte de sable (qu'on peut laisser tout le temps dans la cocotte dédiée au pain), la faire chauffer sur le feu, puis mettre à l'intérieur de la cocotte le moule en fer dans lequel a levé le pain, mettre le couvercle et remettre le tout sur le feu de bois. Lorsque le pain est presque cuit (1/2h), on retourne le couvercle et on y met des braises de façon à faire dorer le dessus du pain 1/4h de plus. Puis on sort le pain tout chaud et on se régale...
Au triangle :
Pas question de faire cuire le pain sur le feu de bois à l'extérieur (qui ne sert qu'à brûler les déchets cartons, papiers etc.), les chimpanzés seraient tout de suite au camp à nous encercler et réclamer leur part !
On fait donc cuire le pain sur le gaz à l'intérieur de la cuisine, et comme on ne peut pas retourner le couvercle pour y mettre des braises, on sort le moule, on retourne le pain, et on le remet chauffer 1/4 heure, histoire de dorer un peu la croûte du dessus.
Le pain maison, c'est un régal, et c'est tellement mieux ainsi : pas de machine à pain (pas plus rapide et plus coûteux), pas d"électricité, et pas de nettoyage du four !
Lessive de singe
La traversée de la Noumbi
Pour aller de Pointe Noire au sanctuaire de Conkouati, la piste traverse un fleuve (la Noumbi)
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Eau de pluie, eau de rivière, et pourtant de l'eau au robinet de cuisine !!
Il s'agit en fait d'une petite installation "maison" :
Le bain du retour : un vrai plaisir !!
Pas de salle de bain bien évidemment au camp du triangle !. Mais il existe bien une douche, très facile d'ailleurs à fabriquer chez vous : un caillebottis fabriqué en bois (En saison des pluies, on marche dans la boue toute la journée, pas besoin d'en rajouter au moment de la douche !) et un seau que vous remplissez d'eau de pluie ou de la rivière et que vous renversez sur vous...
En réalité, chacun préférait plonger dans la rivière chaque soir au retour de la marche, et c'était sur place le meilleur moment de la journée même si l'eau chargée en terre et sédiments avait une couleur marron prononcée (je ne vous décrirais pas la couleur des maillots de bain clairs, heureusement le mien était bleu marine, c'est donc passé inaperçu : avis aux prochains voyageurs !), moment inoubliable lorsque le bain se faisait au crépuscule avec la lune qui se glissait entre les arbres...
Photo du camp des bénévoles en forêt
Bungalow fait de planches plus ou moins jointes (pas besoin d’isolation vu les températures!), renforcé au niveau des portes, des fenêtres et du toit pour éviter l’intrusion des chimpanzés qui visitent parfois le camp à la recherche de nourriture…
Le bungalow résiste aussi aux visites souvent nocturnes des éléphants qui ont parfois envie de s’y gratter ! Les serrures (haut et bas) sont en permanence fermées à clef pour la même raison, même si l’on ne s’absente qu’une minute; un chimpanzé ne prévient pas et peut déboucher très très rapidement au moment où l’on s’y attend le moins.
A l’intérieur du bungalow, un matelas avec moustiquaire, une table et une chaise (plus souvent quelques fils qu’on installe pour y pendre le petit linge à sécher…)
L’eau de pluie est récupérée dans des gros bidons bleus
Anecdote : La communication
Comment passent les messages téléphoniques au triangle ?
Il y a encore peu de temps, pour avoir du réseau au triangle, il fallait soit prendre le bateau et descendre la rivière jusqu'à un certain point (facile surtout qu'au Congo il fait nuit à 18h30 tous les jours), soit aller marcher en forêt ou sur les crêtes pour trouver une "cabine", point stratégique où passaient les ondes (mais pas forcément les chimpanzés à suivre ce jour là...).
Mais maintenant, nous avons le réseau au camp (enfin pas tous les jours mais presque...) : il suffit de déposer le téléphone à un endroit particulier du camp sur un seau en plastique et d'attendre quelques instants que les ondes s'y concentrent, étonnant mais véridique ! Attention, seau en plastique obligatoire (le seau en alu ne marche pas) et seau légèrement incliné en le posant à cheval sur un bout de bois !
Pour téléphoner, les écouteurs avec fils suffisamment longs sont obligatoires car il est bien sûr impossible de retirer le téléphone de son seau sans coupure de réseau...
Cette astuce a été découverte par un bénévole tout à fait par hasard en oubliant son téléphone sur un seau qui trainait par là : c'est souvent comme ça que se font les grandes découvertes !!
A suivre ....